L’ordonnance du 8 février 2023 a réformé les sociétés des professions libérales réglementées. Elle est venue clarifier et harmoniser le droit antérieur. Celle-ci devait être complétée par des décrets d’application. C’est chose faite pour les professions juridiques et judiciaires.
Cinq décrets d’application ont été publiés le 17 août 2024 au Journal officiel afin d’organiser les conditions d’exercice en société des professions juridiques réglementées suivantes : avocats, notaires, commissaires de justice, greffiers du tribunal de commerce, avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Découvrez les changements apportés par l’ordonnance et les décrets réformant l’exercice des professions réglementées.
Sommaire
- À qui s’adresse la réforme des professions réglementées ?
- Quels sont les apports de la réforme des professions réglementées ?
- Les clarifications de l’ordonnance du 8 février 2023
- Les précisions apportées pour les décrets du 14 août 2024
- Comment modifier ses statuts pour être en conformité avec la réforme des professions réglementées ?
À qui s’adresse la réforme des professions réglementées ?
L’ordonnance du 8 février 2023 concerne toutes les professions libérales réglementées.
Son livre Ier a donné la définition d’une profession libérale réglementée, c’est-à-dire un professionnel qui :
• exerce une activité indépendante et à titre habituel dans l’intérêt d’une personne et sous sa propre responsabilité ;
• détient les qualifications professionnelles appropriées ;
• est tenu au respect d’une déontologie ou de règles éthiques dont le non-respect est sanctionné par une autorité spécifique en matière disciplinaire.
Elle a classé également ces professions en trois familles. À savoir :
• les professions de santé définies par le Code de la santé publique et les biologistes médicaux ;
• les professions juridiques ou judiciaires ;
• les professions techniques et du cadre de vie.
Par ailleurs, elle a clarifié la notion de « professionnel exerçant ». Il s’agit d’une personne physique qui :
• a la qualité nécessaire pour exercer sa profession ;
• est enregistrée en France conformément aux textes en vigueur ;
• réalise sa profession de manière indépendante.
Enfin, elle a créé un nouveau statut : la personne européenne.
Quels sont les apports de la réforme des professions réglementées ?
L’ordonnance du 8 février 2023 est venue harmoniser les règles relatives à l’exercice en société des professions libérales réglementées. Quant aux décrets, ils précisent les modalités d’application pour la famille des professions juridiques ou judiciaires.
Les clarifications de l’ordonnance du 8 février 2023
Le but de l’ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées a été de clarifier la réglementation de la société d’exercice libérale (SEL) afin qu’elle devienne le cadre privilégié pour l’exercice d’une activité libérale.
L’ordonnance explique que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par des professionnels exerçants au sein de la SEL (ou par l’intermédiaire d’une SPFPL). Une exception existe pour les professions judiciaires ou juridiques. Leur capital et leurs droits de vote peuvent être détenus en majorité par une personne d’une autre profession juridique ou judiciaire, à condition qu’au moins un profession exerçant la profession de l’objet social soit associé.
Le reste du capital social et des droits de vote peuvent être détenus par :
• des personnes exerçant la profession constituant l’objet social en dehors de la SEL ;
• des associés qui ont exercé au sein de la SEL et qui ont cessé toute activité (détention pendant dix ans au maximum) ;
• des ayants droit des personnes qui ont exercé au sein de la SEL (détention limitée à cinq ans) ;
• une SPFPL ;
• des personnes exerçant une profession libérale réglementée de la même famille ;
• des personnes européennes dont l’activité entre dans l’objet social de la SEL.
Qui peut diriger une SEL ?
L’ordonnance définit également les personnes pouvant diriger les SEL. Par exemple, seul un associé exerçant dans la société peut devenir :
• gérant d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) ;
• président ou dirigeant d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) ;
• membre du directoire, président du conseil de surveillance (CS) ou du conseil d’administration (CA), directeur général ou membres du CS ou du CA (pour les 2/3) d’une société d’exercice libéral à forme anonyme (SELAFA).
Précisions pour les professions juridiques ou judiciaires : Lorsque plus de la moitié du capital et des droits de votes sont détenus par une personne exerçant une profession autre que celle de l’objet social de la SEL, les dispositions ci-dessus ne s’appliquent pas. Seul le CA ou le CS doivent comprendre au moins un associé exerçant.
Pour aller plus loin, découvrez notre fiche pratique sur les SELAS, SELAFA, SELARL et SELACA
À noter : Concernant les sociétés civiles professionnelles (SCP), les sociétés civiles de moyens et les sociétés coopératives, l’ordonnance reprend l’essentiel de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles.
Elle élargit également le champ d’activité des sociétés de participation financière de professions libérales (SPFPL) et de la société pluriprofessionnelle d’exercice (SPE). La SPE permet dorénavant l’exercice de plusieurs professions libérales réglementées dans une même société. Par ailleurs, les personnes morales peuvent désormais être associées au sein d’une société en participation des professions libérales (SEPPL).
En revanche, les sociétés commerciales classiques sont totalement supprimées, sauf pour les professions les autorisant dans leur réglementation. C’est notamment le cas pour les experts-comptables et les géomètres experts. Pour les professions juridiques et judiciaires, elles deviennent une coquille vide puisque ces dernières devront obéir aux mêmes règles que les SEL.
Enfin, l’ordonnance a renforcé le contrôle des Ordres avec l’obligation de leur communiquer chaque année les documents suivants :
• une version à jour des statuts ;
• un état de la composition du capital et des droits de vote ;
• les clauses de conventions portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification.
Les précisions apportées pour les décrets du 14 août 2024
Cinq décrets ont été publiés le 14 août 2024 afin de préciser les conditions de mise en œuvre des nouvelles dispositions de l’ordonnance. Ces décrets concernent :
- les avocats ;
- les notaires ;
- les commissaires de justice ;
- les greffiers du tribunal de commerce ;
- les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation
Ils définissent ainsi les nouvelles modalités d’exercice des sociétés civiles, des SEL et des SPFPL.
En règle générale, les décrets rappellent les anciennes mesures applicables qui ont été maintenues et détaillent les règles d’application des nouvelles dispositions instaurées par l’ordonnance. Par exemple :
SCP
• la majorité requise pour la modification des statuts des SCP ou la décision de transformer la société en une autre formes, sauf clause contraire ;
• la dissolution de la SCP en cas de réunion des parts sociales par un seul associé pendant plus de deux ans.
SEL
• la possibilité d’insérer une clause de retrait capitalistique d’un associé ;
• les modalités de l’information annuelle de l’Ordre de toute modification dans la composition du capital social ou la gouvernance ;
• le maintien de l’exigence d’inscription d’au moins un associé de la SEL au barreau (pour les avocats), etc.
SEP
• l’association de personnes physiques ou morales ;
• la responsabilité solidaire aux dettes professionnelles impératives.
SPFPL
• le possible investissement dans des sociétés professionnelles, des droits sur des biens immobiliers, des actions de sociétés commerciales aux activités comptabilités avec la profession exercée ;
• l’information annuelle de l’Ordre sur la composition du capital social et les modifications intervenues.
Les dispositions des décrets et de l’ordonnance sont entrées en vigueur le 1er septembre 2024. Néanmoins, les SCP, les SEPL, les SEL et les SPFPL ont jusqu’au 1er septembre 2025 pour se mettre en conformité.
Comment modifier ses statuts pour être en conformité avec la réforme des professions réglementées ?
Vous avez jusqu’au 1er septembre 2025 pour vous conformer aux nouvelles dispositions.
Toutefois, vous devez respecter dès maintenant l’obligation annuelle de transmission des documents listés aux Ordres.
Pour être en conformité, vous aurez besoin de modifier les statuts de vos sociétés et notamment de vos SEL. Ceux-ci ne seront plus en règle avec les exigences sur la détention du capital et des droits de vote ou sur la gouvernance.
Les principales clauses à modifier :
• les clauses relatives aux conventions réglementées : seuls les associés exerçants dans la SEL pourront participer aux votes sur les conventions réglementées lorsqu’elles porteront sur les conditions dans lesquelles ils y exerceront leur profession. Par exception, elles seront soumises à l’ensemble des associés si le capital et les droits de vote sont détenus en majorité par une SPFPL ou par une personne exerçant une autre profession juridique ou judiciaire que celle de la société ;
• la clause sur les comptes courant d’associés : ils ne sont plus limités dans leur montant ;
• la clause de droit de retrait : l’ordonnance autorise l’insertion d’une clause de droit de retrait d’un associé. Il est recommandé de prévoir un mécanisme de valorisation des droits sociaux en complément ;
• la clause attribuant des actions à droit de vote double.
Il pourrait être intéressant d’intégrer une clause rappelant l’obligation annuelle d’information à l’Ordre et de communication d’un état de la composition du capital social et des droits de vote afférents, d’une version à jour des statuts, des conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification.
Par ailleurs, les références aux dispositions légales devront être mises à jour.
Les cinq décrets d’application de la réforme des professions libérales réglementées viennent clarifier et structurer les modalités d’exercice en société pour les professions juridiques ou judiciaires. En harmonisant les règles d’exercice en société et en renforçant les exigences de transparence vis-à-vis des Ordres professionnels, cette réforme vise à assurer un cadre plus clair et adapté aux nouvelles attentes professionnelles. Les sociétés concernées ont jusqu’au 1er septembre 2025 pour s’y conformer et mettre à jour leurs statuts ce qui permet de garantir une transition en douceur tout en favorisant l’intégration des nouvelles obligations.
Contacter notre équipe juridique et comptable pour vous assurer de la conformité de vos statuts.