La loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 et son décret n° 2025-125 du 12 février 2025 ont réformé la procédure de saisie des rémunérations. Pour les commissaires de justice, cette réforme marque une évolution majeure : ils deviennent l’interlocuteur unique des parties dans la mise en œuvre de la saisie. Cette nouveauté a pour objectif de simplifier et d’accélérer les procédures de recouvrement tout en instaurant un nouveau registre national des saisies. Découvrez les modalités de la nouvelle procédure de saisie des rémunérations.
Sommaire :
- Quel est le cadre juridique de la procédure actuelle de saisie sur rémunérations ?
- Quels sont les apports de la réforme de la procédure de saisie des rémunérations ?
- La nouvelle procédure de saisie des rémunération
- Un nouvel interlocuteur : le commissaire de justice
- Le nouveau registre national des saisies des rémunérations
- À quoi sert le nouveau registre numérique des saisies des rémunérations ?
- Le recensement des informations relatives aux saisies en cours
- Les informations contenues dans le registre numérique des saisies des rémunérations
- Un accès limité au registre numérique des saisies des rémunérations
- Comment sera mise en œuvre la réforme des saisies des rémunérations ?
- L’application de la réforme pour les saisies des rémunérations en cours
- La gestion des demandes déposées avant le 1er juillet 2025
- FAQ concernant la réforme des saisies des rémunérations
Quel est le cadre juridique de la procédure actuelle de saisie sur rémunérations ?
Actuellement, la procédure de saisie sur rémunération est encadrée par les articles L3252-1 et suivants du Code du travail. Il s’agit d’une mesure d’exécution forcée qui permet à un créancier (une personne à qui on doit de l’argent) muni d’un titre exécutoire de prélever une fraction des rémunérations du débiteur (celui qui doit de l’argent) en paiement de la dette.
En pratique, elle repose sur une décision judiciaire obtenue par un créancier (par exemple, une banque) devant le tribunal judiciaire du domicile du débiteur.
Le greffe notifie alors l’ordonnance de saisie à l’employeur du débiteur. Ce dernier est tenu de prélever sur le salaire du débiteur les sommes dues selon une quotité saisissable définie par décret.
Bon à savoir : la procédure de saisie sur rémunération n’intervenait qu’après une tentative infructueuse de conciliation préalable.
Quels sont les apports de la réforme de la procédure de saisie des rémunérations ?
La réforme des saisies des rémunérations instaure un nouvel interlocuteur pour les parties : le commissaire de justice. Ce dernier pourra mettre en place la saisie sans qu’elle n’ait été autorisée par le juge de l’exécution au préalable.
La nouvelle procédure de saisie des rémunérations
En tant que commissaire de justice, vous serez à l’initiative des procédures de saisie des rémunérations à compter du 1er juillet 2025. Vous signifierez directement un commandement de payer au débiteur, sans requête au tribunal, ni audience préalable.
Le commandement de payer devra indiquer les informations suivantes :
- la mention du titre exécutoire ;
- le décompte des sommes réclamées ;
- le commandement de payer dans un délai d’un mois ;
- l’indication que le débiteur peut contester la mesure.
À compter du jour de la signification, le débiteur disposera donc d’un délai d’un mois pour payer la somme due. Dans le cas contraire, il pourra :
- trouver un accord amiable avec son créancier ;
- contester la mesure.
En présence d’un accord, le commissaire de justice dressera un procès-verbal qui suspendra la procédure.
En l’absence d’accord et dans un délai de trois mois après la délivrance du commandement de payer, le créancier pourra faire signifier le procès-verbal de saisie à l’employeur du débiteur après désignation d’un commissaire de justice répartiteur.
Bon à savoir : le créancier devra solliciter la Chambre nationale des commissaires de justice. Elle seule pourra désigner un commissaire de justice répartiteur chargé de recevoir les paiements de l’employeur et de les reverser au créancier.
Le procès-verbal de saisie devra comporter les éléments suivants :
- l’obligation pour l’employeur d’adresser tous les mois une somme égale à la fraction saisissable du salaire au commissaire de justice répartiteur ;
- le mode de calcul de la fraction ;
- l’identité du commissaire de justice répartiteur.
Dans les 15 jours de la notification de l’acte de saisie, l’employeur aura l’obligation de fournir au commissaire de justice répartiteur certaines données, telles que la nature du contrat de travail du débiteur, le montant de sa rémunération et les éventuelles saisies en cours.
La réforme supprime l’autorisation préalable du juge de l’exécution.
Un nouvel interlocuteur : le commissaire de justice
Autre évolution majeure : les commissaires de justice deviennent les interlocuteurs uniques des parties (créancier, débiteur et employeur) pour l’exécution des saisies sur rémunérations.
Désormais, en tant qu’huissier de justice, vous aurez la charge de :
- vérifier le calcul des quotités ;
- notifier la saisie au tiers employeur ;
- suivre son application ;
- répartir les sommes saisies entre les créanciers ;
- gérer les incidents (erreur de versement, rupture du contrat de travail, etc.) ;
- assurer la liaison avec le créancier.
Bon à savoir : La procédure peut être gérée par deux commissaires de justice : un premier, le commissaire de justice « saisissant » pour enclencher et suivre la procédure et, un deuxième, le commissaire de justice répartiteur pour la mise en œuvre.
Le nouveau registre national des saisies des rémunérations
La réforme s’accompagne de la création d’un registre national des saisies des rémunérations. Il servira à recenser l’ensemble des mesures en cours.
À quoi sert le nouveau registre numérique des saisies des rémunérations ?
Le registre national des saisies des rémunérations aura pour rôle de réunir toutes les informations relatives aux saisies des rémunérations en cours.
Le recensement des informations relatives aux saisies en cours
Placé sous la responsabilité de la Chambre nationale des commissaires de justice, le registre numérique des saisies des rémunérations centralisera l’ensemble des informations relatives aux mesures de saisie en cours.
Cette nouveauté devrait offrir un traitement des données nécessaires à l’identification des acteurs suivants :
- commissaires de justice répartiteurs ;
- créanciers saisissants ;
- débiteurs saisis ;
- employeurs tiers saisis.
Tous les actes des procédures transférées aux commissaires de justice à compter du 1er juillet 2025 feront l’objet d’une inscription dans ce registre.
Quid des informations contenues dans le registre numérique des saisies des rémunérations
Les données inscrites au registre numérique comprendront :
- l’identité des salariés débiteurs, des employeurs saisis, des créanciers, des commissaires de justice répartiteurs et des commissaires de justice d’exécution ;
- les données d’identification des créances, des actes, des formalités, des décisions, des titres, des cessions et des incidents se rattachant à une saisie des rémunérations.
Bon à savoir : un arrêté viendra préciser les données à mentionner.
Toutes les personnes ayant des informations contenues dans le registre pourront demander un droit d’accès, de rectification et de limitation auprès de la Chambre nationale des commissaires de justice.
Les données seront conservées jusqu’à la radiation de la procédure de saisie et dans la limite de 10 ans au maximum. Néanmoins, ce délai pourra être renouvelé dès lors que la radiation de la procédure ne sera pas intervenue.
Un accès limité au registre numérique des saisies des rémunérations
Seuls les commissaires de justice chargés d’exécuter les décisions de justice, les actes et les titres exécutoires et la Chambre nationale des commissaires de justice pourront consulter le registre.
De même, ce seront uniquement les commissaires de justice saisissant, les commissaires de justice répartiteurs et la Chambre nationale des commissaires de justice qui inscriront, modifieront et supprimeront les informations relatives aux saisies des rémunérations.
Comment sera mise en œuvre la réforme des saisies des rémunérations ?
À compter du 1er juillet 2025, toutes les demandes de saisies initiées suivront la nouvelle procédure mise en place.
La situation est néanmoins plus complexe pour les procédures en cours.
L’application de la réforme pour les saisies des rémunérations en cours
Les procédures en cours devant les tribunaux feront l’objet d’une transmission à un commissaire de justice.
Si le créancier était déjà assisté ou représenté par un commissaire de justice, ce dernier sera aussi chargé du dossier et recevra l’ensemble des informations utiles, à savoir :
- identité du débiteur ;
- employeur saisi ;
- montant de la saisie ;
- sommes déjà réparties.
Bon à savoir : le créancier aura trois mois à compter de la transmission de son dossier pour confirmer sa volonté de poursuivre la saisie.
En l’absence de commissaire de justice, la Chambre régionale des commissaires de justice recevra la procédure et elle nommera un commissaire de justice.
Du côté des employeurs saisis, ils devront cesser les versements aux tribunaux en attendant de recevoir une information de reprise d’un commissaire de justice répartiteur.
La gestion des demandes déposées avant le 1er juillet 2025
Concernant les demandes introduites devant les tribunaux avant le 1er juillet 2025 et n’ayant pas encore fait l’objet d’une saisie des rémunérations, elles seront transmises au commissaire de justice seulement une fois la décision judiciaire devenue définitive.
Quant aux requêtes en saisie introduite avant le 1er juillet 2025, elles feront l’objet d’un transfert après la phase de conciliation ou une fois le jugement devenu définitif.
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FAQ concernant la réforme des saisies des rémunérations
Quelles sont les règles relatives au calcul des quotités et du minimum insaisissable lors d’une saisie sur une rémunération ?
La réforme n’a pas modifié les règles de calcul des quotités saisissables. À savoir, l’assiette de la saisie, les proportions et les seuils définis par le Code du travail.
À titre d’exemple, pour une personne ayant des ressources mensuelles saisissables comprises entre 1 424,17 € et 1 775 €, la part saisissable est d’un tiers et le montant maximum de la saisie est de 328,61 €.
Prenons le cas d’une personne dont les ressources mensuelles saisissables s’élèvent à 1 500 €, le montant de la saisie sera de 236,94 € par mois : 328-61 – ((1 775 – 1500) x 1/3).
Chaque tranche est majorée par personne à charge. Par ailleurs, un montant insaisissable a été mis en place. Il équivaut au RSA : 646,52 euros pour une personne seule. D’autres revenus demeurent insaisissables, tels que les primes d’intéressement ou le remboursement des frais professionnels.
Un salarié peut-il contester la saisie sur sa rémunération ?
Oui, un débiteur dispose d’un mois après la signification du commandement de payer pour contester le fondement de la saisie devant le juge. Il a également la possibilité de saisir le juge de l’exécution pour qu’il contrôle la mise en œuvre de la saisie (le calcul des quotités, le respect des sommes saisissables et insaisissables, etc.) ou s’il estime la mesure inutile ou abusive.
Comment anticiper la réforme des saisies sur rémunérations ?
En tant que commissaire de justice, vous devez donc vous préparer à assumer cette nouvelle mission. Pour cela, pensez à mettre à jour vos procédures internes, à désigner un ou plusieurs collaborateurs référents et à informer vos clients de l’évolution des modalités de la saisie des rémunérations.